Les politiques doivent se positionner sur de nombreux sujets. Parfois ils apparaissent rétrograde, parfois ils sont moteurs des changements de la société. Ces derniers temps, le monde du numérique a été l'objet d'une attention croissante pour les politiques, que ce soit
à travers son utilisation pour la campagne d'Obama, ceux qui décident de se mettre sur
Twitter ou
Facebook, la diffusion de
vidéos remettant en question les versions officielles, ou encore le
téléchargement illégal et la proposition de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (ou " loi
HADOPI ", projet de loi « Création et Internet »).
Le manque de contrôle politique sur Internet de manière générale est flagrant. Cependant la tendance est à la mise en place d'un cadre
restricteur par les
États et non à un niveau
supranational. Ce qui est intéressant c'est la façon dont un certain nombre
d'internautes ont réagi politiquement sur internet. Le
téléchargement illégal est un problème pour les industries des médias, plus particulièrement la musique, la vidéo (cinéma, séries, émissions), le papier (journaux, encyclopédies, livres à terme?). C'est un problème pour les organisations qui
maîtrisaient ces canaux de diffusion. Les alternatives peinent à se développer, et désormais tout le monde sait que
Deezer est un exemple (
cité de nombreuses fois par les députés lors du débat),
même si il n'arrive pas à gagner suffisamment d'argent. Ce qui l'oblige à modifier son
business model.
La loi "
Hadopi" (l'acronyme de la Haute Autorité pour la Diffusion des
Oeuvres et la Protection des Droits sur Internet, l'organisme juge et police) a
suscité de nombreuses réactions des acteurs
d'internet en France, que ce soit par des
blogueurs,
des hommes politiques ou des
anonymes. Elle a été votée une première fois et rejetée (l'apparition juste au moment du vote de suffisamment de député socialistes
pour l'inverser).
Une assurance est apparue sur ce terreau fertile pour protéger les
internautes téléchargeant illégalement. A côté de
l'hémicycle, sur
Twitter, beaucoup de monde relayaient les débats, commentaient, protestaient, comme le montre le
graphique ci-dessous :
Les jours correspondent bien (les comptes-rendus des journées sur
PC Inpact) montrant comme internet a fait écho au débat politique. Les messages sur
Twitter peuvent être retrouvée
ici ou
là (#
hadopi ou juste
hadopi, le # accolé à un terme permettant de créer un fil de discussion plus précis). La perméabilité est telle que plusieurs manifestations se sont organisées via
Twitter et les
blogs le 25 avril.
Et les recherches des
internautes (via
Google Trend) ou le nombre d'article de blogs contenant le terme
Hadopi (via
Google Blog Search) sont les meilleures preuves de cette mobilisation.
Évidemment, cette mobilisation est
égocentrique, au sens où les
internautes sont concernés par cette loi, qu'ils soient
téléchargeurs ou simples utilisateurs, entrepreneurs du
web ou
blogueurs.
Deux principaux acteurs sont apparus :
- La quadrature du net : un collectif de citoyens qui informe sur des projets législatifs menaçant les libertés individuelles, les droits fondamentaux et le développement économique et social à l'ère du numérique. Leur point de vu sur la loi permet de mieux la comprendre.
- Le réseau des pirates, les premiers signataires à l'origine du "Pacte pour les libertés numériques" (pour le lire); blogueurs, activistes, journalistes, spécialistes des nouvelles technologies, développeurs, simples internautes, etc., tous passionnés par le Net, convaincus de sa puissance transformatrice, et attachés à défendre les nouvelles libertés qu'il offre.
Ces deux organisations - collectifs sont apparus suite à la mobilisation des français sur internet, laissant préfigurer la création et l'institutionnalisation d'un espace politique sur le
web.
A côté du débat français, la Suède vit aussi le même type d'évènement.
The Pirate Bay qui est un site hébergeant des liens pour
télécharger des oeuvres culturelles (illégalement pour les contenus protégés par le droit d'auteur), vient de voir
ses créateurs condamnés à 1 an de prison ferme et 2,7 millions d'euros de dommage et intérêt à destination de l'industrie du disque, du cinéma et du jeu vidéo. Cette condamnation lourde a entraîné des milliers de personnes à adhérer au Parti Pirate suédois, le
PiratePartiet en version originale. J'avais rédigé un article sur la
typologie des amateurs de torrents, ces liens trouvable sur ce genre de site, permettant de
télécharger les œuvres. Et ce sont les mêmes personnes qui se retrouvent au
PiratePartiet, devenant progressivement la plus grande force politique rassemblant les jeunes (
dont la majorité n'ont pas encore l'âge de voter), et le quatrième parti politique du pays en nombre d'adhérent. Dès l'annonce du verdict (il y aura appel),
3 500 personnes ont adhéré au parti.
Le virtuel entre progressivement dans le réel, et la
désaffection des partis politiques de la part du publique souligne en fait le manque de débat sur certaines questions. Les moyens de diffusion de l'information,
l'interactivité, l'intelligence collective qui se retrouvent sur internet en font un terreau extrêmement fertile pour les politiques, permettant l'intégration des citoyens sur les questions qui les touchent, et par conséquent un
contre-pouvoir en voie
d'institutionnalisation et de structuration.